Joseph Bovet |
article paru en mars 2000 |
L´abbé Bovet toujours vivant ! Le 10 février 1951 disparaissait l´abbé Joseph Bovet. Aujourd´hui, près de 50 ans plus tard, le souvenir de celui que l´on a surnommé "le barde" demeure intact. Cet homme hors du commun nous a laissé plus de 2000 oeuvres dont la plus connue est sans aucun doute "Le vieux chalet". Au début de l´année, le groupe "Mon Pays" a donné le coup d´envoi des manifestations qui marqueront cette année Bovet. "Pourquoi célébrer l´abbé Bovet cinquante ans après sa mort ?" s´interroge Jean-Marie Baras, le président du comité d´organisation de cette année Bovet. Et de nous donner cette réponse : "Parce qu´il était une personnalité hors du commun, parce qu´il voulait "changer les choses", parce que, dans la multitude de ses oeuvres, certaines doivent rester. Enfin, pour que le bon peuple et ses dirigeants ne mettent plus les bâtons dans les roues lorsque les chars du progrès, de l´art, de la générosité et de l´amour veulent avancer..". En effet, peu de personnes ont marqué leur temps comme l´a fait Joseph Bovet. Presque trop ai-je envie de dire. Son charisme, son énergie, son engagement et son rayonnement étaient tels qu´ils ont parfois occulté la production d´autres compositeurs de son époque. Le prêtre-musicien acceptait d´ailleurs je crois assez mal la "concurrence". L´empreinte qu´il a laissée dans le paysage choral de la Suisse romande et du canton de Fribourg en particulier, est si profondément imprimée que pour certaines chorales, au-jourd´hui encore, il n´est point de salut en dehors de l´abbé Bovet et je trouve que c´est dommage. S´il est incontournable il est vrai, et c´est tant mieux, je pense qu´il nous ouvre aussi d´autres horizons. Suivons son exemple. L´abbé Bovet était un novateur. Il n´y a pas de manuel pour l´enseignement du chant ? Il réalise "Le Kikeriki" ou "Nos chansons". Bien qu´on le surnomme aussi le père des Céciliennes, ce n´est pas lui qui les a créées. Elles existaient déjà, mais c´est lui qui donna l´impulsion et l´énergie nécessaires pour que le mouvement prenne de l´importance. L´abbé Bovet ne ménageait ni son temps, ni ses efforts. A l´issue de la première représentation du festival "Mon Pays", Mgr Besson, s´adressant à Bovet, lui dit : "Vous êtes quand même un sacré type !". Ce qui a fait de ce musicien un être exceptionnel, c´est sans doute sa grande humanité. Jean-Marie Barras dit encore de lui : "C´est un affectif et un poète; ce n´est pas un cérébral". Nous touchons là peut-être au secret de sa grande popularité, l´abbé Bovet laissait parler son coeur. Le groupe "Mon Pays", qui s´est constitué l´année même du décès du chanoine en s´imposant "la mission de cultiver et développer la chanson populaire fribourgeoise...", a très bien compris l´esprit de Joseph Bovet en créant des événements, en favorisant des échanges et des rassemblements. C´est à chacun maintenant de s´impliquer pour que cette Suite en page 2 année Bovet soit digne du barde fribourgeois. PLUSIEURS GRANDS RENDEZ-VOUS Le programme général des manifestations commémorant le décès de l´abbé Joseph Bovet est vaste et s´étalera sur cette année 2000 et sur l´année 2001. Il est déjà temps de rendre hommage à tous les chanteurs, musiciens et danseurs de ce canton qui, durant ces prochains mois auront à coeur de préparer l´une ou l´autre des prestations dont vous trouverez les dates dans l´Agenda . UNE IDEE ORIGINALE Le mardi 1er mai 2001, dans tout le canton, "devant chaque porte un chant de Joseph Bovet" par les enfants des écoles. Cette idée originale permettra à certains de découvrir ou de redécouvrir le répertoire de Bovet. Un CD ainsi qu´un recueil de partitions seront disponibles au matériel scolaire. Pour en savoir plus sur l´abbé Bovet, nous vous conseillons la lecture du très bon livre de Patrice Borcard "Joseph Bovet, 1879-1951, itinéraire d´un abbé chantant. Ed. La Sarine, CHF 55.-" FACETTE D´UN "BARDE" par Patrice Borcard, extrait de la plaquette UNE LEGENDE. Fribourg s´est toujours montré avare envers ses grands hommes. A l´image du Père Girard, de Jo Siffert ou de Jean Tinguely, l´abbé Joseph Bovet repose dans le panthéon de la notoriété cantonale. Il est le seul à être doublement honoré d´une statue. Vitraux, médailles, photos officielles, rues et associations ont répandu son image dans la mémoire collective des Fribourgeois. A peine disparu, le "barde" était déjà entouré d´une légende. Pour avoir révélé à ses compatriotes la force de leur identité, dans les heures sombres de la première partie du XXe siècle, Joseph Bovet eut le privilège d´être intégré dans le paysage affectif de son canton. Cinquante ans après sa mort, la mythologie est toujours vivace. UN HOMME. Sous l´écorce de la légende, apparaît une existence d´une incroyable richesse. Un destin inauguré à Sâles en 1879 et qui s´achève en 1951, dans la majesté de funérailles aux allures nationales. Entre deux, un parcours scolaire classique, de Saint-Charles à Saint-Michel, une formation musicale inachevée, la prêtrise. Puis une oeuvre musicale, pédagogique, religieuse dont le rayonnement dépassera les frontières helvétiques. Mais Bovet, c´est d´abord un caractère, une force de travail, une foi dans son apostolat. C´est un artiste qui va vouer son énergie à glorifier son Dieu et sa patrie. C´est un homme, aussi, sensible et fragile sous ses airs de prophète, qui va souffrir de ne pas être reconnu à sa juste valeur par ce pays qu´il a chanté de toutes ses forces. UNE MISSION. A la fin du XIXe siècle, les catholiques suisses tentent de cicatriser les plaies du Kulturkampf en réactivant une culture propre. La musique et le chant choral participent de ce projet. L´Eglise et la République chrétienne de Georges Python vont propulser un ecclésiastique talentueux à des postes stratégiques : Ecole normale, Séminaire, Cathédrale St-Nicolas. Durant quatre décennies, Joseph Bovet forme les piliers de la société fribourgeoise : le prêtre et l´instituteur. Il réoriente en profondeur la pratique musicale et façonne de manière durable les conditions d´accès à une culture fortement imprégnée de religieux. Sorte de Lully de la République fribourgeoise, il parviendra à "mu-sicaliser" son canton. UNE COULEUR MUSICALE. Joseph Bovet, c´est plus de 2000 oeuvres, pour une moitié religieuse, pour une autre profane. Ce sont des dizaines de festivals, des centaines de chants frappés du sceau Dieu et Patrie. Les musiques bovétiennes sont le reflet du monde dont elles sont issues, cette société paroissiale et rurale dont Bovet fut le chant inspiré. Mais la musique de l´abbé Bovet, c´est d´abord une couleur musicale, reconnaissable entre toutes. C´est un son d´où s´échappe un climat de sécurité, un sentiment d´appartenance à une terre, à un lieu. Ecoutons "Nouthra Dona di Maortsè", "La Prière du pâtre" ou ce "Vieux Chalet" qui a fait le tour de la planète: ce sont des espaces de contemplation, imbibés de musique liturgique et de chant grégorien. Les chants de Joseph Bovet résonnent, cinquante ans après sa mort, comme l´expression d´une partie musicale. UN HERITAGE. Que reste-t-il de ce prêtre-musicien aujourd´hui, dans une société qui semble à des années-lumière de la période traversée par Joseph Bovet? Demeure le symbole, la force emblématique de cet itinéraire chargé de valeurs identitaires et patriotiques. Mais les traces du musicien se lisent encore ailleurs. Dans les structures qu´il a mises en places, patiemment, obstinément, parfois contre la volonté de sa propre hiérarchie. Il y a ces Céciliennes, ces choeurs d´Eglise à la recherche aujourd´hui d´un souffle, qi´il a fondées, animées et programmées pour le service liturgique. Mais n´est-ce pas dans le répertoire populaire que le musicien a laissé son empreinte la plus marquée? Ses chants tiennent aujourd´hui du plus petit dénominateur commun d´une société chorale en pleine mutation. Ce répertoire bovétien sonne comme la cloche de l´identité cantonale. Et c´est probablement dans ces musiques-là que se cache encore cet esprit bovétien, revendiqué avec fierté par le monde choral fribourgeois. |